Les lumières d'Assam de Janet Macleod Trotter
Résumé : A la mort de son père,
Clarrie n'a d'autre choix que d'abandonner l'Inde et la plantation de
thé familiale. Hors de question d'accepter l'aide du séduisant
Wesley Robson, héritier de la famille rivale ! Clarrie emmène sa
jeune soeur Olivia en Angleterre, où elles sont recueillies par des
cousins qui font d'elles de vraies esclaves domestiques. Mais Clarrie
n'a rien oublié du passé, bien décidée à retrouver liberté et
dignité. Elle ignore que Wesley s'est lui aussi installé tout
près...
Faisant partie des livres
récupérés de ma grand-mère, ce livre m'intriguait énormément de
part son titre et sa couverture (Edition France Loisir). Dans le
résumé on apprend qu'on va être immergés dans le monde du thé,
de la plantation à la récolte, en passant par la dégustation et la
vente. J'ai commencé ce roman bien tranquillement, en « goûtant »
chaque petite description de ce petit coin d'Inde pour commencer, et
de Belgoree (la plantation des Belhaven) en particulier. Je pouvais
presque voir le lever du soleil et sentir les parfums des feuilles de
thé venir jusqu'à moi. La famille est bien établie et les filles
s'éduquent quasiment toutes seules et l'unique ombre au tableau est
la descente aux enfers qu'entame Jock, le père de famille récemment
veuf qui plonge la tête la première dans l'alcool et refuse de
sortir de chez lui.
J'ai tout de suite était
absorbée par ma lecture, tant ce que je lisais et découvrais de la
plantation de thé me plaisait. La famille propriétaire, les
Belhaven, ont l'air de mener une existence assez paisible aussi bien
financièrement qu'au niveau familial. Jock, le veuf ésseulé et un
peu difficile à cerner au départ. Il est natif de Newcastle en
Angleterre et avait tout quitter pour reprendre une plantation de thé
suite à un coup de foudre qu'il a eu pour l'Assam avec sa compagne.
Clarissa et Olivia, les deux filles de Jock, sont des soeurs
inséparables et la plus âgée des deux filles a un sacré
tempérament. Elle revendique d'être une Belhaven, porte fièrement
son nom et assume pleinement son caractère, hérité de son père.
Elle ressemble physiquement à sa mère, avec ses racines Indiennes
et ses cheveux de jais. Olivia est beaucoup plus discrète et semble
avoir un caractère assez changeant, tant les éléments qui
gravitent autour d'elle jouent un rôle important sur son humeur du
jour; elle ressemble physiquement à son père, avec ses cheveux blond vénitien. On apprend également une certaine tension familiale avec les
Robson, le père de Clarrie lui ayant toujours dit qu'ils
souhaitaient les voir faire faillite. Le fils Robson, Wesley, va
rapidement prendre connaissance du tempérament de feu de Clarrissa,
se frotter à la haine de Jock, mais rien ne semble l'empêcher à
développer son entreprise de thé, même si pour cela il va devoir
mettre en place certaines stratégies.
J'ai accroché
directement avec Clarissa, surnommée Clarrie tout au long du roman.
Elle est hyper protectrice envers son père, et également envers sa
petite sœur. N'ayant plus sa mère, on comprend que son rôle au
sein de sa famille consiste un peu à redresser la barre car son
père, veuf éploré et triste à mourir, noie son chagrin dans
l'alcool. Pendant quelques chapitres, j'ai eu l'impression que
Clarrie ne voulait pas voir la vérité en face, jusqu'à un moment
où elle en fût obligée. Très rapidement, le drame familial
continue avec la mort de Jock, et les deux filles sont obligées de
tout quitter pour aller s'installer chez un cousin qui a accepté de
les recueillir. Quelle surprise elles vont avoir en arrivant en
Angleterre ! Mais pas la bonne surprise qu'elles s'imaginent.
Confiées à la charge de
Jared et de son horrible épouse, Olivia et Clarrie se retrouvent
immédiatement obligées de travailler dur pour payer leur gîte et
leur couvert. Pour Clarrie, qui à toujours côtoyé les « coolies »
(terme utilisé au 19ème siècle pour décrire les travailleurs
agricoles d'origine asiatique), ce n'est pas un problème. Elle n'a
pas peur de se salir les mains et de travailler autant qu'elle le
doit. Pour sa sœur, à la santé fragile et sujette à l'asthme,
c'est plus compliqué. Clarrie va tout faire pour épargner à sa
sœur les tâches les plus ingrates et difficiles que le perfide
femme de leur oncle leur ordonne de faire. On s'attache
inévitablement énormément aux deux sœurs, ainsi qu'à plusieurs
personnages qui vont faire leur apparition. J'ai plusieurs fois eu
envie de gifler, même de tuer la patronne de ce bar miteux, de lui
faire ravaler ses tourtes et de planquer sa gnôle autre part que
dans le bocal à vinaigre...Cette femme est détestable, une vraie
mégère ! Bref, on adore la détester tout au long de
l'histoire.
Après avoir survécu à
la vie du pub répugnant de Newcastle, les deux jeunes filles vont se
retrouver à travailler pour des riches dans un quartier beaucoup
plus réputé. Clarrie réussit à se faire engager comme gouvernante
pour Herbert Stock, qui vient juste de vivre la perte d'un nouveau-né
avec sa femme, très affaiblie par son accouchement et qui dépérit
suite à la mort précoce du bébé. Elle va devoir gérer la grande
demeure, tandis que sa sœur Olivia aidera en cuisine et à d'autres
ouvrages. Elle sera également amenée à s'occuper de Will, le cadet
des Stock, un jeune garçon malicieux et adorable, qui ne juge pas
les gens selon leur apparence ou leur position dans la société, et
qui a du mal à accepter les mœurs de son rang. La condition des
deux soeurs évolue grandement en arrivant dans la demeure des Stock,
mais encore une fois, un horrible personnage est là pour leur
rappeler qu'elles ne sont « rien », et il est accompagné
par une future/femme vaniteuse et à la langue bien pendue :
l'aîné des enfants Stock, Bertie, accompagné de Verity, aussi
intéressée et exaspérante que des personnages de la haute sortis
tout droit du Titanic.
Sans dévoiler tout le
reste du livre, j'ai énormément apprécié cette histoire. Clarrie
est une jeune fille forte qui évolue en femme de caractère, bien
qu'elle se radoucisse avec le temps, et Olivia c'est un peu
l'inverse, elle qui est toute fragile et timide au début se
transforme en femme un peu ingrate et rebelle. Clarrie m'a un peu
fait penser à Scarlett O'hara d'Autant en emporte le vent, car elle
est impertinente, se veut indépendante et a un fort caractère. On
va la voir évoluer au fil du temps, essayant de trouver une place
dans la société anglaise alors qu'elle ne rêve que de retrouver
son Inde natale et les plantations de thé de son enfance.
J'aime aussi énormément
deux autres personnages : le jeune Will, fils de Mr Stock, que
l'on découvre à 11 ans et que l'on voit évoluer jusqu'à sa vie de
jeune adulte, et Wesley Robson, l'homme détesté par la famille
Belhaven qui a osé donner un baiser à Clarrie alors qu'ils étaient
encore en Inde. Il appartient également à une famille de planteurs
qui est guerre avec les Belhaven depuis des années. Ambitieux et
arrogant, il n'a de cesse d'exaspérer Clarrie et contribue à la
rébellion de la jeune femme. Evidemment, tout au long de sa vie,
leurs existences ne vont cesser de se croiser, de s'entremêler, de
se repousser pour mieux s'attirer encore plus.
Dans ce livre, on nous
parle également de l'engagement politique des femmes, qui
commençaient à se révolter afin qu'on leur accorde le droit de
vote, et des réunions organisées dans un certain salon de thé afin
de s'opposer au gouvernement en place. On assiste aux prémices du
féminisme, des femmes fortes qui n'ont pas peur de se salir les
mains, soit par choix ou obligation avec la première guerre mondiale
qui touche malheureusement tout le monde, riches comme pauvres. On
suit également rapidement les personnages masculins appelés à
faire la guerre, avec une boule au ventre quant à l'incertitude
concernant leur retour d'une guerre meurtrière et cruelle.
J'ai apprécié le fait
que Clarrie réussisse peu à peu à faire changer son mari d'opinion
sur les femmes, et leur place dans la société, qu'elle se batte
pour avoir son propre commerce en se refusant une existence toute
travée pour elle sous prétexte que son sang indien la rende
« inférieure » à ces « riches ». On nous
prouve aussi que la condition financière de quelqu'un ne fait pas
forcément son bonheur, quand c'est au détriment de ses relations
familiales et du cocon qui lui était jusqu'à présent indispensable
pour survivre et avancer dans la vie.
Plus je m'approchais de
la fin, plus je regrettais que mon livre se termine. Si j'avais un
seul point négatif à lui trouver, peut être deux : on ne
passe pas tant de temps que ça en Inde (uniquement au début du
livre) et on y reviendra pas. Cela colle parfaitement à l'intrigue
mais avec une fin un peu plus poussée et détaillée on aurait pu y
revenir...et la fin de l'histoire justement, se termine trop
brutalement à mon goût. J'aurai aimé voir ce que Clarrie devient
avec son nouveau choix de vie et savoir comment les choses se sont
terminées pour elle (bien qu'elle continue sa vie sans ma tête...)
Bref, j'ai adoré ce
livre, et je m'autorise enfin à dire que j'ai eu un coup de cœur
tant cette histoire m'a transportée, et j'ai vraiment aimé tous les
points du livre, même la partie ou on parle un peu plus de
politique, alors que d'habitude c'est quelque chose qui me rebute...
Si un petit séjour en
Inde et en Angleterre à la fin de l'époque victorienne vous tente,
n'hésitez pas à lire cette merveilleuse histoire accompagnée d'une
bonne tasse de thé Darjeeling ou Oolong.