Je lis aussi des classiques...#4


Au bonheur des dames d’Emile Zola


Résumé : Octave Mouret affole les femmes de désir. Son grand magasin parisien, Au Bonheur des Dames, est un paradis pour les sens. Les tissus s'amoncellent, éblouissants, délicats, de faille ou de soie. Tout ce qu'une femme peut acheter en 1883, Octave Mouret le vend, avec des techniques révolutionnaires. Le succès est immense. Mais ce bazar est une catastrophe pour le quartier, les petits commerces meurent, les spéculations immobilières se multiplient. Et le personnel connaît une vie d'enfer. Denise échoue de Valognes dans cette fournaise, démunie mais tenace. Zola fait de la jeune fille et de son puissant patron amoureux d'elle le symbole du modernisme et des crises qu'il suscite. Zola plonge le lecteur dans un bain de foule érotique. Personne ne pourra plus entrer dans un grand magasin sans ressentir ce que Zola raconte avec génie : les fourmillements de la vie.


Une de mes couvertures préférées de ce livre


Ma liste de classiques est assez longue. Des classiques que je n’ai jamais lu, que j’ai tenté de lire, que j’ai abandonné…Au bonheur des dames en fait partie. J’ai toujours voulu le lire, me disant que peut-être avec de la chance, il aurait plus de succès que l’Assommoir dans ma tête. J’ai tenté de lire L’Assommoir. J’ai abandonné, car je n’arrivais vraiment pas à continuer. Peut-être que je lui redonnerai une chance dans le futur, avec une autre édition que celle que j'ai en papier actuellement. J’ai donc tenté une toute autre méthode pour lire un classique : le livre audio! 




J’ai remarqué que l’édition du livre que je lis peut vraiment pas mal influencer ma lecture : si c’est trop serré, pas aéré, condensé, que le livre est un petit pavé (ou un gros pavé) et pour peu que le livre soit d’occasion, un peu abîmé, pages cornées ou jaunies, bref une édition qui ne donne pas du tout envie : je bloque. Je me suis donc dit : « pourquoi ne pas tenter celui-là en audio ? ». A la base, je voulais trouver l’Assommoir, mais il n’est pas encore disponible. Je me suis donc laissée convaincre par Au bonheur des dames. Et qu’est-ce que j’ai bien fait !



Enfin un livre qui me réconcilie un peu avec les classiques. Alors certes, les descriptions sont nombreuses, on est souvent dans la contemplation sans trop d’action, mais j’ai adoré l’ambiance grands magasins. J’ai évidemment énormément apprécié le personnage de Denise Baudu, qui, si j’en crois un peu les avis et analyses des autres œuvres de Zola, ne s’en sort pas trop mal par rapport à d’autres personnages féminins de ce grand auteur.

C’est le onzième volume de la « série romanesque » Les Rougon-Macquart, mondialement connue je pense.



arbre généalogique des Rougon-Macquart, annoté par Zola lui-même

Notre histoire va se dérouler entre 1864 et 1869, principalement à Paris. Le personnage principal (pour moi c’est bien elle et non Mouret), Denise Baudu arrive de la campagne normande accompagnée par ses deux petits frères, leur mère étant morte…Souhaitant prendre en charge ses frères afin de ne pas être séparée d’eux et de pouvoir leur offrir un bel avenir,  et fuyant aussi un peu Valognes "à cause" des déboires de Jean, elle va les prendre sous son aile, les considérer presque comme ses enfants. Elle est donc venue à Paris afin de trouver leur oncle Baudu, espérant pouvoir travailler chez lui, dans son commerce Le vieil Elbeuf. Malheureusement pour lui, sa boutique est située juste en face d’un tout nouveau grand magasin : Au bonheur des Dames, consacré au prêt-à-porter de vêtements féminins principalement (au début). Son oncle n’ayant pas grand monde qui se bouscule à sa porte pour acheter, Denise va donc lui faire « l’affront » de postuler en face, s’étant aperçue qu’ils recrutaient…



Elle va découvrir un tout nouveau monde sous ses yeux de jeune fille calme et timide. Une sorte de grande ruche, ou de petites vendeuses font tourner le magasin en servant de riches clientes exigeantes,  essayant tant bien que mal de garder leur emploi, et pouvant être renvoyées à n’importe quel moment sous prétexte d'avoir trop parlé avec une collègue, de s'être trop "appuyée sur un comptoir de vente" ou d'avoir carrément loupé une vente avec une cliente importante…La formule qui tue ? "Vous passerez à la caisse" (si je me rappelle bien) pour leur signifier leur renvoi immédiat.

Le créateur (c’est lui qui a « inventé » le concept du grand magasin en France) et directeur du Bonheur, c’est Octave Mouret : plutôt bel homme, très sûr de lui, faisant tourner la tête de toutes les vendeuses…mais avec tellement de gros défauts...Denise est troublée dès sa première rencontre avec lui, mal à l'aise, ne sachant réellement ce qu'elle inspire à l'homme froid et cassant qui la reçoit en "entretien".




Tout au long du roman, alors que tous assistent à la mort des petits commerces environnants et que le grand magasin se développe sans cesse, Octave Mouret, le directeur, ne va cesser de s’intéresser à elle, en lui confiant de plus en plus de responsabilités, en la faisant évoluer au sein de son magasin, et lui attirant les foudres et jalousies de ses collègues. Haïe au début par les autres vendeuses, qui la traitent de « mal peignée », Denise va réussir au bout d’un moment à se faire respecter et même susciter l’admiration de ses collègues.


Exemple de magasin de l'époque, ici "Au bon marché"

Mr Mouret, qui renonce un peu à la fois à toutes ses conquêtes féminines, va se rendre compte qu’il est complètement sous le charme de Denise. Cependant, celle-ci se refuse à lui, prétextant ne pas être intéressée, ne pensant qu’au bien être de ses deux frères et ne voulant surtout pas être considérée comme une arriviste.

Enfin, quand tout semble perdu, elle va finir par lui céder à la toute fin de l’histoire…


Les magasins du Printemps à Paris, à l'époque de Zola

Zola nous livre ici le tableau de la société de l’époque en constante évolution tant sur le plan industriel, qu’économique et bien évidemment sociologique : l’arrivée des grands magasins à Paris a marqué l’époque et les gens : c’était un grand phénomène qui n’allait prendre que plus d’ampleur chaque année…

Une toute nouvelle façon de se « divertir » : la consommation. Si les descriptions sont autant fournies, comme il a l’habitude de le faire, c’est pour mieux représenter au lecteur la réalité de ce qu’il voyait : on peut vraiment s’imaginer dans la grande « machine » du Bonheur des Dames.

Première page du manuscrit d'Au bonheur des Dames de Zola


Le personnage d’Octave Mouret est assez intéressant : en effet, il représente le stéréotype du « grand patron » sans trop de scrupules qui ne pense qu’à faire du chiffre et à se développer avant de penser au bien-être de ses employés. De plus, on ne peut pas dire qu’il ait une grande affection pour ses clientes : il les considère comme de la marchandise, voire du gibier. Tout ce qui l’intéresse, c’est de les faire céder à la tentation, de les « abrutir » avec tellement de choix de marchandises et de bas prix qu’elles finissent par acheter un tas de choses qu’elles ne souhaitent pas vraiment. Mais quelle importance ! Il s’en fiche…Au contact de Denise, mais aussi de part son amour pour elle, il va évoluer, changer de comportement, apprendre à considérer ses vendeurs et ses clients, et même les femmes! Son humanité va peu à peu prendre le dessus sur son côté "chef d'entreprise" et alors qu'on peut clairement le détester au début de l'histoire, il en est autrement à la toute fin du livre...



ébauche du manuscrit de Zola

Les femmes justement, principales consommatrices de l’époque et du livre, sont décrites presque comme des « sauvages » matérialistes qui n’auraient plus réellement le contrôle de leurs émotions, mais surtout de leur porte-monnaie. Elles sont tellement tentées, ont été conditionnées pour apprécier les beaux matériaux, qu’elles finissent par toutes avoir « des goûts de luxe ». Elles se déplacent "en bande" pour "se promener", mais elles finissent toujours par acheter quelque chose, même si c'est une paire de gants ou une étole à bas prix. Semblant presque "manquer de cerveau" pour penser clairement et ne pensant soit qu’au luxe où à l’amour, peut-être que Zola nous fait comprendre qu’il trouve ce genre de femme futile et méprisable.


Image choisie pour le Bonheur des Dames en Audiobook

Tous ces personnages, dans leur richesse, leur arrogance et leur mépris des uns et des autres, semblent totalement ignorer qu’il existe une autre classe sociale : celle des petites gens, des pauvres, de ceux qui travaillent trois fois plus que n’importe qui d’autre pour un maigre salaire, zéro considération, et une absence totale de compassion (alors que pourtant, tout près dans la même rue, l’oncle Baudu peine à joindre les deux bouts dans sa boutique sombre et humide).

Il y a énormément de personnages dans ce roman. Pas évident à suivre, surtout quand on ne lit pas l’histoire mais qu’on l’écoute. Pourtant, j’ai vraiment bien aimé cette ambiance très spéciale, et c’est comme si je ressentait encore l’effervescence des grands magasins de l’époque.


Denise arrivant avec Pépé et Jean chez l'oncle Baudu, au vieil Elbeuf. source gutenberg.net.au

Plusieurs personnages sont très détestables dans ce roman, l’ex-maîtresse de Mouret Madame Desforges, Deloche, Colombant, Clara et même l’oncle Baudu (qui n’a pas su voir que sa fille mourrait d’un chagrin d’amour). Mais les deux principaux sont tellement complexes et riches en imperfections qu’on se sent proche d’eux, dans un sens.


Dessin illustrant une des scènes se déroulant "à la cantine" du bonheur des dames. Source gutenberg.net.au


Denise montre plusieurs traits de caractère assez plaisant chez une femme, et semble avoir peu de « gros défauts », si ce n’est sa timidité maladive et son gros manque de confiance en elle au début.

Elle subit pas mal d’épreuves qui vont montrer aux yeux de tous sa grande force de caractère. Elle sait faire preuve de compassion, elle sait écouter les autres sans jamais les juger, elle n’arrive pas vraiment à détester même les personnes qui ne lui souhaitent que du mal (Clara, si tu passes par là 😉). Elle ne se plaint jamais, arrive à se contenter du peu qu’elle arrive à avoir, sont entêtement à se refuser à Mouret (qui peut parfois énerver d’ailleurs) force le respect, elle est d’une grande douceur et va même réussir à devenir influente dans le magasin en faisant évoluer les conditions de travail des employés et même les principes de Mouret lorsque celle-ci devient première du magasin.


Le bonheur des dames s’est alors transformé et Denise incarne a elle seule la femme qui peut changer « le monde », dans une société idéale et utopiste qui pointe le bout se son nez...


Emile Zola


J’ai beaucoup apprécié le travail concernant tous les détails du magasin, et même si quelques fois il fallait bien s’accrocher pour suivre, je n’ai pas eu trop de peine à m’imaginer le magasin mentalement. Je pense que le fait de l’avoir écouté m’a bien aidé, car les intonations de la lectrice facilitaient la compréhension des différents personnages. Il y a encore tellement à dire sur ce livre, des passages qui m'ont révolté, d'autre qui m'ont agacé...Je repense à cette scène ou Denise est humiliée chez Mme Desforges, a qui j'en aurait bien collé une. ;)


Je me suis un peu plus intéressée à Zola grâce à Lemon June, que la plupart d'entre vous doit connaître (voici un lien vers sa chaîne Youtube). Elle parle souvent de sont auteur préféré avec passion (qui est Zola si vous n'avez pas suivi) et aussi de ses lectures en général, mais c'est vraiment suite à ses vidéos où elle parle de lui en particulier que je me suis plongée dans ce merveilleux Au Bonheur des Dames...

Si vous avez du mal avec les grands classiques, je vous conseille de tenter la lecture en Audio Book, vous pourriez bien être surpris et réconciliés avec les grands classiques de la littérature.


Zola avec sa seconde épouse, et leurs deux enfants, Jacques et...Denise!

Si vous souhaitez vous plonger dans les personnages du bonheur mais d'une manière originale, je vous conseille ce blog: le blog de Denise Baudu, qui est une petite pépite. Vous trouverez des renseignements sur les personnages, et son auteure, Madame Augé-Rabié a une imagination débordante et un vrai talent: et si Denise Baudu avait tenu un blog à l'époque du Bonheur des Dames, ça aurait donné quoi? Je suis tombée dessus en essayant de me rappeler le nom d'un personnage, mais je compte bien lire tous les articles!

J’ai adoré ma lecture ! Je lui attribue ****


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