Chronique #16: La couleurs des sentiments de Kathryn Stockett
Résumé : Chez les
Blancs de Jackson, Mississippi, ce sont les Noires qui font le
ménage, la cuisine, et qui s'occupent des enfants. On est en 1962,
les lois raciales font autorité. En quarante ans de service,
Aibileen a appris à tenir sa langue. L'insolente Minny, sa meilleure
amie, vient tout juste de se faire renvoyer. Si les choses
s'enveniment, elle devra chercher du travail dans une autre ville.
Peut-être même s'exiler dans un autre Etat, comme Constantine,
qu'on n'a plus revue ici depuis que, pour des raisons inavouables,
les Phelan l'ont congédiée.
Mais Skeeter, la fille des Phelan, n'est pas comme les autres. De retour à Jackson au terme de ses études, elle s'acharne à découvrir pourquoi Constantine, qui l'a élevée avec amour pendant vingt-deux ans, est partie sans même laisser un mot.
Une jeune bourgeoise blanche et deux bonnes noires. Personne ne croirait à leur amitié; moins encore la toléreraient. Pourtant, poussées par une sourde envie de changer les choses, malgré la peur, elles vont unir leurs destins, et en grand secret écrire une histoire bouleversante.
J'ai lu ce livre en
lecture commune (ma toute première) avec Sabrina (chaine youtube
Call Me Sab!) et Anabel (Voici sa page sur Livraddict). Il était
dans nos pal respectives, et il me tentait depuis un petit moment. Ce
livre a été adapté en film (que je n'ai pas vu), et ma maman me
l'a fortement conseillé. Je viens de découvrir que ce film est
sortit il n'y a pas si longtemps (2011) et deux actrices que j'admire
beaucoup y jouent : Viola Davis dans le rôle d'Aibileen, et
Emma Stone dans celui de Eugénia « Skeeter » Phelan. Je
ne souhaitais pas le regarder, mais au final je vais me laisser
tenter ! Je tenais d'abord à lire l'histoire.
Ce livre est très bien
noté sur Livraddict (plus de 18/20), et il y n'y a pas moins de 257
chroniques en lien sur cette même plateforme!!! La mienne risque donc
de se perdre un peu, mais je tenais à vous parler de ce livre assez
bouleversant, révoltant, qui ne vous laissera pas indifférent-e.
L'Amérique des années
60. Cela semble si proche de nous, mais pourtant tellement loin en
terme de lois et de droits concernant les personnes de couleur.
L'histoire se déroule dans le Mississippi, cet état d'Amérique,
entouré par l'Alabama, le Tennessee (Nashville), l'Arkansas et la
Louisiane (la Nouvelles-Orléans). A l'époque, les lois Jim Crow
faisaient foi. C'est fou le nombre de choses qu'un Noir n'avait pas
le droit de faire à l'époque. Même si tout le monde avait déjà
entendu parler de l'affaire Rosa Parks (qui a refusé de laisser sa
place à un blanc dans un vus, au milieu des années 50), le chemin
allait encore être long pour que les mentalités évoluent. Le
président Kennedy était toujours de ce monde, et l'Amérique se
développait sur pas mal de choses, sauf peut-être sur l'essentiel.
Martin Luther King commençait à être médiatisé. Bref, le contexte historique resitué, voici ce que j'ai pensé de ce
livre.
Cette histoire, c'est
celle de trois femmes, qui vont voir leur destin se lier. Il est
clair que nous suivons beaucoup plus de personnages, mais ce sont à
mon sens les trois principales femmes du livre. Toutes différentes,
elles vont pourtant s'allier pour une même cause.
Tout d'abord, nous avons
Aibileen. C'est la bonne noire la plus âgée, la plus expérimentée.
Elle est allée dans énormément de familles blanches, préférant
se retirer une fois les derniers enfants éduqués. Car les enfants,
c'est vraiment ce qu'elle préfère, Aibileen. Après avoir vécu un
drame personnel, son calme et sa sagesse légendaires vont être
ébranlés, et elle va se mettre à penser différemment. C'est une
femme que j'ai trouvé très attachante, car d'une grande douceur,
sensible, intelligente et tellement humaine. Son vécu aussi, nous
fait tout de suite apprécier cette femme qui a vécu mille vies.
C'est une personne qu'on aimerait connaître dans la vraie vie, car
elle pourrait nous apporter beaucoup.
La seconde bonne que nous
suivons, c'est Minny. Etant très réputée pour sa cuisine, cette
bonne n' a pas l'existence facile. Mise à la porte un nombre
incalculable de fois à cause de « sa grande gueule », et
donne l'impression d'une femme forte qui ne se laisse pas marcher sur
les pieds, quitte à souvent « dépasser les bornes »
pour l'époque. Pourtant, sous ce masque de confiance et d'estime,
c'est tout l'inverse. Une famille nombreuse à gérer, un mari
alcoolique et violent, Minny est comme prisonnière de cette vie
qu'elle aime malgré tout. Mais une rencontre va tout changer. La
rencontre d'une femme qui va l'employer, sans vraiment savoir ce
qu'elle fait au début.
La troisième
protagoniste importante de cette histoire, c'est Skeeter, la fille de
la famille Phelan. C'est donc la fille issue d'une « bonne
famille blanche », qui a employé des bonnes depuis
quelques années. Couvée par sa mère qui ne souhaite qu'une
chose-que sa fille trouve un bon mari- Skeeter a pourtant choisi de
faire des études, car elle aime écrire et se voit bien journaliste.
Son physique atypique ne la rend pas non plus très populaire auprès
de ses autres amies, qui emploient également des bonnes noires.
C'est la seule blanche qui va s'intéresser aux bonnes de
Jacksonville. Après avoir pris conscience de choses qui vont la
révolter suite à un épisode « mémorable » concernant
les toilettes séparées créées spécialement pour les personnes de
couleur, cette jeune femme va tout mettre en œuvre pour raconter les
vies des bonnes noires de Jacksonville. Son parcours va être semé
d'embûches, et elle ne va pas se faire que des amis, c'est même
plutôt le contraire.
Changeant de point de vue
à chaque chapitre (quasiment), l'auteure nous plonge dans cette
ambiance de chaudes journées du Mississippi. Son écriture est très
fluide et se lit facilement, ce qui rend le livre encore plus facile
à lire (et rapide surtout, malgré le petit pavé de presque 600
pages). J'ai aimé la différence de syntaxe des phrases en fonction
des personnages qui nous racontaient leur vie. Ce n'était pas juste
une petite différence de choix de mots entre les bonnes et les
familles qui les emploient, mais bien tout une façon de s'exprimer,
de formuler leurs émotions et leurs pensées qui étaient
différentes. Il y a même une grosse différence entre la façon
dont s'exprimer Aibileen et Minny, alors qu'elles font toutes les
deux le même travail, et qu'elles vivent dans plus ou moins le même
contexte social.
Les deux personnages les
plus abjects de ce livre pour moi, sont Hilly (celle que j'ai
clairement eu envie de buter à un moment) et Elisabeth, mère à
sous temps sous conditions quand je le peux mais je ne le veux pas
vraiment de Mae Mobley (un amour cette enfant) et qui emploie notre
chère Aibi. Sans dévoiler toute l'intrigue, on se rend assez vite
compte qu'Hilly joue le rôle de « meneuse », et que les
autres suivent. Si vous imaginez une reine du lycée, du bal de promo
à qui on a envie de coller des baffes : bongo, c'est elle. Elle
me sort par les trous de nez ! Elisabeth, qu'on découvre
toujours plus égoïste, l'antithèse de la maternité, celle qui va
un peu (beaucoup) pousser Aibileen à se révolter tout doucement, en
faisant monter sa colère un peu plus chaque jour, nous prouve quand
à elle qu'il ne faut parfois pas être l'instigateur d'actes
horribles, le simple fait de « suivre le mouvement » nous
rend tout aussi coupable.
Skeeter, donc, va se
rapprocher des bonnes (alors que c'était clairement hyper mal vu à
l'époque) afin de raconter leur histoire, et de pourquoi pas en
faire un livre. Même si c'est un peu le sujet principal du livre, ce
n'est pas l'histoire dans l'histoire que j'ai préférée.
La première histoire qui
m'a énormément plu, c'est l'histoire d'une magnifique relation,
d'un lien magique entre deux personnes. Aibileen et la petite dont
elle s'occupe, Mae Mobley. Elle considère cette enfant comme la
sienne, s'insurge quand sa mère la rejette ou ose lever la main sur
elle sans raison et est très complice avec elle. Mais le meilleur,
selon moi, c'est tout ce qu'Aibi va enseigner à la petite sans même
qu'elle s'en rende compte. Elle veut lui faire comprendre que le
racisme n'est pas quelque chose dont devrait être fier, qu'il faut
considérer chaque être humain comme son égal, avec le respect que
cela implique, quelle que soit la couleur de celui-ci. Elle va tout
faire pour que la gamine prenne conscience de certaines choses,
malgré son jeune âge. Il y a énormément de scènes que j'ai adoré
avec elles.
La seconde chose qui m'a
aussi marqué dans cette histoire (et qui n'était pas le cas de mes
deux copines de lecture), c'est la relation qui s'installe entre
Minny et sa nouvelle patronne, Miss Célia. Cette femme blanche,
décrite un peu comme le sosie de Marilyn Monroe, va employer Minny a
des fins pas très honnêtes au départ. A la base, elle l'emploie
afin de ne pas perdre don mari. En effet, elle est persuadée que si
elle ne sait pas tenir une maison correctement, celui-ci la quittera
sur le champ. Mais, toute jeune et aussi naïve qu'elle est, elle ne
sait pas tenir une maison. Elle emploie donc Minny sans le dire à
son mari, qu'on imagine dur, violent et sans pitié (mais on découvre
ensuite que ce n'est pas du tout le cas), en l'utilisant comme
subterfuge afin de laisser croire qu'elle une « parfaite femme
d'intérieur » (pour l'époque j'entends, c'était « la
norme »). J'ai aimé sa fragilité, et le fait qu'elle se
laisse porter par Minny sans aucune appréhension (ce qui est très
largement dû à son ignorance concernant la mauvaise façon de
traiter les bonnes noires à l'époque) et qu'elle la considère
presque immédiatement comme une amie.Alors certes, elle a pu être
un tantinet agaçante à certains moments, mais quand on en sait un
peu plus à son sujet, on comprend pourquoi, et personnellement, son
histoire m'a touchée. Il y a une scène qui arrive au trois quarts
du livre que j'ai apprécié car elle était en même temps drôle et
touchante, bien que maladroite, mais elle arrive peut-être à moment
qui n'était pas propice car après coup on peut la considérer comme
inutile à l'histoire. Mais pour moi, c'était le signe que Miss
Célia aussi aller se révolter, à sa manière, et se battre pour
devenir actrice de sa propre vie.
J'ai aussi aimé, d'une
manière plus générale, les nuances des personnages (bien que j'ai
eu l'impression que les bonnes étaient plus nuancées en terme de
qualités et défauts, contrairement aux blanches dont on ne voyait
que les pires défauts et travers.), et le fait que personne ne soit
parfait. Je pense que les familles qui employaient les bonnes
devaient avoir des qualités, mais leurs défauts étaient tellement
dégoûtants et horribles qu'on ne pouvait que se focaliser dessus :
une juste représentation de la façon de penser de l'époque.
Au final, ce livre m'a
prouvé une chose : toutes les nuances de couleurs décrites
dans ce livre nous font comprendre qu'elles ne sont en réalité pas
importantes du tout. Les sentiments, eux, n'ont pas de couleurs. Ils
sont blancs, noirs, jaunes, multicolores, transparents, universels et
surtout humains.
Mes deux citations
préférées du livre :
« Si
chanter avait été une couleur, cela aurait été la couleur de ce
chocolat. »
« N'étais-ce
pas le sujet du livre ? Amener les femmes à comprendre. Nous
sommes simplement deux personnes. Il n'y a pas tant de choses qui
nous séparent. Pas autant que je l'aurais cru. »
Voilà,
comme vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé ce livre, mais ce
n'est pas un coup de cœur, car je m'attendais à un peu plus
d'action (mais c'est parce que j'avais trop d'attentes) alors qu'en
fait c'est vraiment le côté historique qui est important, et on
nous relate d'une certaine manière ce qui se passait à cette époque
en Amérique.